Les voix de QEL?, une écriture chorale

Publié le par Valérie Philippin

Les voix de QEL? sont multiples, incarnées ou non, en direct ou pré-enregistrées, tissant à partir des textes de Valérie Philippin un discours énigmatique entre chant et parole, et que l’amplification et la diffusion fait jouer près ou loin des corps.

Compositions aléatoires de textes scientifiques, bribes de dialogues improvisés, récit fragmentaire, poésie répétitive, réminiscence d’airs familiers estompés. Echo du dehors flouté en dedans, voix passagères, présences reconvoquées et recomposées.

Les joueurs s’inspirent notamment la technique de "lecture froissée" développée par Valérie Philippin. Elle consiste en une composition aléatoire à partir d’un texte lu ou mémorisé, à la fois paysage et labyrinthe, dense et composite. Les lecteurs composent au hasard mots et bribes de phrases pour recréer un langage froissé, erratique et polysémique, mêlé de souffle, murmures et borborygmes d’où peuvent émerger des bribes d’accords ou de mélodies.

Ainsi évoquent-il un langage au delà de la langue, dont la forme, les sonorités et la musique priment sur le sens et ouvrent au rêve, à la surprise, à la terreur, à l’humour. Langage familier et étranger la fois, comme perçu par une oreille inapte à discriminer les éléments du discours, comme celle du nourrisson, de l’étranger, du dormeur, du voyant ou du fou...

« Et pour nous induire à tenter le même effort sur nous-mêmes, ils s’ingénieront à nous faire voir quelque chose de ce qu’ils auront vu : par des arrangements rythmés de mots, qui arrivent ainsi à s’organiser ensemble et à s’animer d’une vie originale, ils nous disent, ou plutôt ils nous suggèrent, des choses que le langage n’était pas fait pour exprimer. – D’autres creuseront plus profondément encore. Sous ces joies et ces tristesses qui peuvent à la rigueur se traduire en paroles, ils saisiront quelque chose qui n’a plus rien de commun avec la parole, certains rythmes de vie et de respiration qui sont plus intérieurs à l’homme que ses sentiments les plus intérieurs, étant la loi vivante, variable avec chaque personne, de sa dépression et son exaltation, de ses regrets et de ses espérances. En dégageant, en accentuant cette musique, ils l’imposeront à notre attention ; ils feront que nous nous y insérerons involontairement nous-mêmes, comme des passants qui entrent dans une danse. »

Henri Bergson « Le rire – essai sur la signification du comique »1899

Les voix de QEL?, une écriture chorale
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